La protection des consommateurs en Allemagne - particularités et ancrage institutionnel

la protection des consommateurs en Europe
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Dr. Weckerling-Wilhelm est chef de la division de l'information des consommateurs, du droit alimentaire et de la sécurité des produits au ministère fédéral de la justice et de la protection des consommateurs. Dans le cadre de la coopération interministérielle, elle travaille à plusieurs reprises comme experte pour l'IRZ.

 En Allemagne, la protection des consommateurs a une histoire relativement longue. Dès le début du XXe siècle, des règlementations ont vu le jour, par exemple, pour gérer son budget de manière raisonnable, économique et efficace, ou encore, définir les produits, naturels et traités, les plus nutritifs ou favorables à la santé.

 Il est vrai qu’à cette époque, ces règlementations étaient avant tout guidées par les difficultés économiques. De nos jours, les mesures de protection des consommateurs répondent surtout à l’asymétrie entre l’acheteur ou le client et le vendeur, le producteur et le fournisseur. Le citoyen est confronté aux grandes entreprises commerciales, aux fournisseurs internationaux et aux groupes opérant au niveau mondial contre lesquels il est trop faible pour défendre ses intérêts et – si tant est qu’ils existent – faire valoir ses droits.

Au cours des dernières décennies, cette asymétrie croissante des relations économiques a conduit au renforcement de la législation et à une multitude de mesures pour consolider les droits des consommateurs et pour leur permettre de faire valoir leurs droits, y compris face aux grands opérateurs économiques.

A. Sur le plan institutionnel, la protection des consommateurs en Allemagne est fonction des structures fédérales de la République fédérale d’Allemagne.

I. Fédéralisme : Les Etats fédérés

L’Allemagne est un Etat fédéral composé de 16 Etats fédérés (Länder). Cette division en Etats fédérés correspond à une vieille tradition allemande, mais plus récemment, elle a été également un instrument pour renforcer la démocratie, la participation et le pluralisme. Parallèlement, la structure fédérale évite aussi une concentration indésirable des pouvoirs au niveau fédéral.

Les Etats fédérés sont chacun dotés de leur propre compétence étatique avec leurs propres parlement, gouvernement, ministères et administration. Même la jurisprudence et l’appareil judiciaire sont du ressort des Länder : l’exercice des compétences étatiques et l’accomplissement des fonctions publiques reviennent par principe aux Länder.

Qu’il s’agisse d’un Etat fédéré (tel que la Rhénanie du Nord-Westphalie) qui compte environ 18 millions d’habitants avec un produit intérieur brut de 711 milliards d’euros (2019) – une puissance économique comparable à celle de certains états nationaux – ou d’une ville-Etat comme la ville hanséatique de Brême avec seulement 700.000 habitants, chaque Etat fédéré allemand a ses propres lois (notamment dans le domaine de la police, de l’enseignement et de la culture), ses propres tribunaux et sa propre administration.

II. La Fédération

La Fédération (Bund), pour sa part, dispose de toute une série de compétences législatives exclusives (telles que les affaires étrangères, la défense, la nationalité, les transports aériens et ferroviaires) dans lesquelles les Länder ne peuvent intervenir que si la Fédération les y autorise expressément par une loi. Dans d’autres domaines, les Länder peuvent adopter des lois, à condition que la Fédération ne fasse pas usage de sa compétence législative concurrente (par exemple dans le domaine du droit civil ou pénal, du droit économique, du droit alimentaire, de la protection de l’environnement). En cas de conflit entre le droit fédéral et le droit des Länder, le droit fédéral prime sur le droit des Länder.

La Fédération agit principalement par l’intermédiaire du gouvernement fédéral présidé par la chancelière ou le chancelier fédéral(e). Le président fédéral est le chef de l’Etat, il représente la République fédérale en vertu du droit international. Le Bundestag allemand est l’instance qui représente le peuple au niveau fédéral, il examine et adopte les lois fédérales. Le Bundesrat, Conseil fédéral – la deuxième chambre –, est également un organe fédéral. Il est – comme le Bundestag allemand – un organe législatif de la Fédération. Toutefois, le Bundesrat n’est pas composé de parlementaires démocratiquement élus, mais de membres des gouvernements des Länder qui – avec un nombre de voix variable en fonction du nombre d’habitants – délibèrent et adoptent également les projets de loi fédéraux. Aucune loi fédérale n’est adoptée sans la participation des Länder impliqués dans l’activité législative du Bundestag à travers le Bundesrat.

III. La compétence en matière de protection des consommateurs

Les structures fédérales au niveau de l’organisation de l’Etat se reflètent également au niveau de la compétence en matière de protection des consommateurs. Pour être plus précis, il faudrait parler ici des compétences. D’une part, il existe au niveau des Länder des ministères responsables de la protection des consommateurs. Le plus souvent, cette compétence est rattachée à une autre compétence comme celle de l’économie, de l’environnement ou encore celle de la justice. Ce seul fait montre à quel point le sujet de la protection des consommateurs touche de nombreux domaines de la vie et intervient dans de nombreuses règlementations.

Au niveau fédéral, la protection des consommateurs a été pour la première fois explicitement ajoutée au nom d’un ministère au début d’une nouvelle période législative en 2002 : le ministère fédéral de l’Agriculture s’est vu confier la responsabilité de la protection des consommateurs. Cette décision s’est inscrite dans le contexte de toute une série de scandales alimentaires de l’époque, à la suite desquels s’est affirmée l’idée que la protection des consommateurs – et surtout la protection de leur santé – constituait un domaine politique si important qu’elle méritait d’être mentionnée dans les compétences ministérielles. Toutefois, ce n’est pas seulement dans le domaine de la santé que le besoin d’une protection efficace des consommateurs s’est fait sentir et continue de se faire sentir.

Au niveau économique, d'autres enjeux se sont vite précisés : l’asymétrie entre le fournisseur et le client, décrite au début de cet article, est également apparue dans le secteur financier, dans le commerce en ligne ou encore dans les contrats de téléphone, de voyage ou d’assurance. A cet égard, il s’agit de la protection économique des consommateurs, pour laquelle le ministère fédéral de la Justice est responsable depuis 2014. Avec ses compétences en matière de justice et de protection des consommateurs, ce ministère dispose désormais de nombreuses compétences pour prendre – en étroite collaboration avec le ministère de l’Agriculture, toujours responsable des questions de protection de la santé des consommateurs – des mesures contre les situations défavorables aux consommateurs, qu’elles soient existantes ou émergentes, grâce à de nombreux projets de loi et à une grande attention politique.

La compétence administrative pour mettre en œuvre les lois de protection des consommateurs promulguées par les Länder et, en principe aussi celle de l’Etat fédéral, incombe aux Länder. Ce sont les autorités publiques des Länder qui, grâce à leur proximité et leurs bonnes connaissances du terrain, sont responsables du contrôle du secteur alimentaire, de la protection de l’environnement ou encore de la surveillance des marchés.

III. Organisation de la protection des consommateurs : les associations de protection des consommateurs

La protection organisée des consommateurs a une longue histoire, et pas seulement en Allemagne. Dès le début du XXe siècle, de puissantes organisations de protection des consommateurs avaient vu le jour aux Etats-Unis, telles que les « Better Business Bureaus » et le « Consumers’ Union ». En Allemagne, les associations d’aide sociale, les associations de femmes et les coopératives de consommateurs ont formé « l’Arbeitsgemeinschaft der Verbraucherverbände » (confédération des associations de consommateurs) au début des années 1950 pour faire contrepoids aux puissants groupes d’intérêt économique.

Aujourd’hui, il existe de nombreuses associations et organisations non gouvernementales (ONG) importantes et politiquement influentes qui défendent les intérêts des consommateurs. Certaines de ces organisations ont des objectifs prioritaires, par exemple dans le secteur de l’environnement ou de la santé, ou s’engagent pour les besoins spécifiques des personnes âgées. Cependant, l’association de loin la plus grande et la plus importante est celle des centrales de consommateurs (Verbraucherzentralen) avec son organe central au niveau fédéral, la Fédération des centrales de consommateurs (vzbv, Verbraucherzentrale Bundesverband). Chaque Etat fédéré (voir A.I. ci-dessus) possède sa propre centrale de consommateurs qui offre à ces derniers de nombreux services de conseil, d’information et de formation. L’objectif est de donner plus de pouvoir aux consommateurs et de faire de chaque citoyen un acteur à la fois vigilant et confiant de la vie économique.

Avec le regroupement des centrales de consommateurs au niveau fédéral dans la vzbv en 2000, la protection des consommateurs en Allemagne a gagné encore en importance. Grâce à cet organe central, la protection des consommateurs peut se faire entendre davantage au niveau politique, proposer ses propres initiatives et influencer ainsi la politique au niveau fédéral et au niveau des Länder. La vzbv est organisée comme une association à but non lucratif, politiquement neutre, qui est financée principalement par des dotations budgétaires du ministère fédéral de la Justice et de la Protection des Consommateurs ainsi que par les cotisations des membres et les remboursements. Avec environ 180 employés et cinq secteurs d’activité différents, la vzbv – qui a son siège à Berlin – compte aujourd’hui parmi les acteurs non étatiques les plus influents dans l’élaboration des politiques en Allemagne.

B. L’Allemagne en tant qu’Etat membre de l’Union européenne - la protection des consommateurs au niveau européen

Aujourd’hui, la protection des consommateurs en Allemagne ne peut être envisagée sans la protection des consommateurs en Europe.

Assurer un niveau commun et élevé de protection à tous les consommateurs de l’Union européenne contre les risques et les menaces qui pèsent sur leur sécurité et leurs intérêts économiques et améliorer la capacité des consommateurs à faire valoir leurs propres intérêts où qu’ils vivent, voyagent ou fassent des achats dans l’UE, est un objectif prioritaire de l’Union européenne. Cet objectif est défini aux articles 114 et 169 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE).

La protection des consommateurs repose sur l’idée que le marché intérieur ne peut pas fonctionner de manière efficace et adéquate dans l’intérêt des citoyens si les consommateurs ne sont pas protégés et habilités à faire valoir efficacement leurs intérêts en tant qu’acteurs responsables et éclairés du marché. Sur le plan législatif, l’Union européenne poursuit ces objectifs à travers les directives et les règlements applicables dans l’ensemble des 28 Etats membres actuels. Par ailleurs, l’objectif d’un marché équitable est également poursuivi par de nombreux projets d’éducation et de sensibilisation des consommateurs.

Les associations de consommateurs actives au niveau de l’UE apportent une contribution et une coopération précieuses à cet égard. Ainsi les organisations de consommateurs nationales et européennes exercent également leur influence, soit directement, soit par l’intermédiaire du Groupe consultatif européen des consommateurs (GCEC) instauré par la Commission européenne, dans de nombreux domaines d'action de l’Union européenne dans l’intérêt et pour la protection des consommateurs. Avec leurs bureaux à Bruxelles, Strasbourg et dans toute l’UE, ces organisations sont les interlocuteurs des consommateurs, des responsables politiques et des associations professionnelles concernées.